aderfp633
Inscrit le: 27 Sep 2011 Messages: 7915 Localisation: England
|
Posté le: Lun Sep 30, 2013 10:51 pm Sujet du message: Commission Charbonneau - Le visage de la juge |
|
|
Commission Charbonneau - Le visage de la juge
Dans la salle d’audience de la commission Charbonneau, je regarde le visage de la juge en chef. Je suis assis bien sagement dans la section des spectateurs. Ce matin, nous sommes peu nombreux. Ce qui semble l’habitude depuis le début des travaux : une dizaine de personnes grosso modo, surtout des hommes. Ce qui ne signifie pas que la commission n’est pas suivie par le public. Au contraire. Depuis les Gomery, Bastarache et Bouchard-Taylor, il y a un intérêt grandissant pour ces enquêtes publiques. On préfère les suivre à la course sur le Net, à la télé, on les déguste en boulettes sous forme de twitts, on les commente dans les réseaux sociaux sous forme de pensées du jour, d’injures, on les analyse ou on s’en moque dans les journaux sous forme d’éditoriaux, de caricatures, on s’en gargarise sur les ondes sous forme de lignes ouvertes, de débats, d’indignation, de jets de salive et d’étonnement abusif. (L’étonnement, s’il dure trop longtemps,[url=http://www.moncler-sale.org]moncler sale[/url], se transforme en fixation oculaire et provoque alors un aveuglement temporaire.)Je suis donc assis ce matin juste derrière le ruban noir déployé pour former un périmètre qui trace la frontière entre les participants et les observateurs. Le témoin est de dos au public. Des écrans sont accrochés qui retransmettent en alternance des gros plans du témoin et de la procureure. Je suis pourtant attiré par le visage de la juge que j’observe de loin. Elle est assise juste devant moi,[url=http://www.moncler-sale.org]moncler on sale[/url],[url=http://www.moncler-sale.org]moncler on sale[/url], sur une tribune surélevée. Elle écoute. Il y a toutes sortes de façons d’écouter. Avec attention, avec ennui, avec impatience, avec l’air de n’être pas là, avec amour, fatigue,[url=http://www.moncler-sale.org]moncler outlet[/url], exaspération, avec crédulité, confiance ou fin de non-recevoir… Comment écoute la juge Charbonneau ? Du moins, ce matin-là. À première vue, avec application. Elle penche souvent la tête sur le côté. Dans ces moments-là, on l’imagine en train de partir quelque part… Mais non. Elle revient en s’agrippant à son stylo et trace quelques notes, se remet droite et joint les mains. J’ai parfois aussi le sentiment qu’elle écoute religieusement - mais avec un sourire digne de la Joconde - ces excitantes histoires autour de bouteilles de vin qui ont généré de la part de la procureure une salve bien nourrie de questions. Et je me rends compte à quel point le vin est devenu vital au Québec. Je me souviens qu’enfant on ne trouvait dans la Belle Province que du « Gros George », un tord-boyaux que mon père achetait une fois par an pour le jour de Pâques. Si on en croit certains, la corruption aurait toujours existé. J’imagine facilement qu’il y a une époque pas si lointaine, certains de nos élus recevaient en pot-de-vin, non du vin, mais des caisses et des caisses de bière. Ou du gros fort. Quoi d’autre ? Aujourd’hui, à la commission, on a parlé de pot-de-vin en chair et en os, on a laissé entendre que certains entrepreneurs offraient des escortes et tout ce qui s’ensuit. Ce qui me frappe dans les témoignages entendus jusqu’à présent, c’est la nonchalance, l’acceptation,[url=http://www.moncler-sale.org]moncler outlet[/url], le manque d’indignation. Comme si la corruption était inévitable, faisait partie d’un système de bienséance, une culture occulte mais tout de même conviviale, un peu louche, un peu secrète, mais tout à fait acceptable et, surtout, non blâmable. Autre chose qui suinte des murs de cette commission, de son tapis gris,[url=http://www.moncler-sale.org]discount moncler jackets[/url],[url=http://www.moncler-sale.org]discount moncler jackets[/url], de ses stores fermés, de son plafond bas, c’est l’aveuglement et la surdité volontaires, pour parodier la pauvreté volontaire. « Je n’ai rien vu, je n’ai rien entendu, je n’étais pas au courant,[url=http://www.moncler-sale.org]moncler down jackets[/url], je n’ai pas posé de questions, je n’avais pas à poser de questions, personne ne m’en a parlé, je ne savais pas, je faisais mon travail… »La salle de presseOui, ce matin je regarde le visage de la juge en chef et j’aimerais bien percer le léger mystère de son sourire. D’ailleurs, en est-ce un ? Dès qu’elle intervient au micro, c’est autre chose. Sa voix est précise, bien découpée et fait contraste avec le marmonnement du témoin. Elle n’aime pas qu’on tourne trop longtemps autour du pot. À la pause, je retourne à la salle de presse de la commission. Là, c’est une autre ambiance. D’abord, il fait plus chaud. L’espace ressemble à une classe rectangulaire où sont disposées deux rangées de petites tables où les journalistes travaillent deux par deux. Ils sont près d’une vingtaine. Devant eux, un grand écran où sont retransmises les séances de la commission. Au fond, dans un coin, derrière un rideau de plastique gris, on a aménagé un studio de fortune où Isabelle Richer fait de courts reportages en direct pour Radio-Canada. Des photographes et des caméramans, alourdis de leurs appareils, font le va-et-vient entre cette petite salle grouillante de neurones et de clics de clavier et la salle d’accueil où on montre patte blanche. Dès que les portes de l’ascenseur ouvrent pour permettre à un témoin important d’entrer dans cette salle située au neuvième étage, il est accueilli par le flash des appareils.J’assiste en direct à la construction de la nouvelle, à la transformation presque instantanée de la séance du matin en manchettes, en bulletins. J’observe les journalistes devant leur portable,[url=http://www.moncler-sale.org]moncler sale[/url], tapant rapidement, certains des écouteurs sur les oreilles. Près de moi,[url=http://www.moncler-sale.org]moncler down jackets[/url], Kathleen Lévesque, du Devoir, écrit des twitts qui sont aussitôt avalés par les réseaux. J’entends des commentaires à voix haute, ironiques ou amusés, qu’on ne lira sûrement pas dans les journaux. L’ambiance est décontractée, tout le monde se connaît. Je regarde de nouveau le visage de la juge Charbonneau mais cette fois-ci sur l’écran. Son visage m’intrigue toujours. Non parce qu’il me cache quelque chose, mais parce qu’il est devenu le point de fuite d’un tableau, l’aboutissement d’une longue perspective faite de kilomètres de pensées qui seront condensées dans un rapport, le sien, un rapport qui tentera de départager entre autres la part de responsabilité entre les corrupteurs et les corrompus. _________________ People watching the forthcoming beginning of the German half of the inhabitants of Berlin are no interested in co-optation |
|